Le Jeet Kune Do
Sébastien ESPENAN
3ème Duan FFSCDA – 3ème Duan FWF
Responsable National Jeet Kune do FWF
Le jeet kune do
Le jeet kune do (chinois: 截拳道 ; cantonais: jihtkyùhndouh ; pinyin: jiéquándaò, « voie du poing qui intercepte ») est un art martial, principalement à mains nues, créé par Bruce Lee aux alentours de 1967.
Le JKD est avant tout un concept martial et non pas un sport ni un art martial traditionnel. Le JKD correspond à ce que son fondateur identifiait comme une voie de libération (et encore non pas la seule).
Le jeet kune do est inspiré principalement du wing chun, la boxe et l’escrime, mais intègre des techniques qui lui sont propres. Son fondateur s’est basé sur la mante religieuse du nord et du sud, le Choy Lee Fut, les Griffes de l’aigle, la boxe anglaise, la lutte, l’escrime, le judo, le jiujitsu et certains coups de pieds des styles du nord et du sud de la Chine ; en découvrant ces styles, il fera évoluer sa pratique de wing chun traditionnel.
Le Jeet kune do ne doit pas être confondu avec les arts martiaux mixtes (MMA) et n’est pas praticable dans un environnement contrôlé par des règles.
Il ne s’agit pas à proprement parler d’un style de combat ; Bruce Lee ne croyait plus à cette époque aux dogmes et styles de combats pré-établis et figés par leurs fondateurs des années auparavant, mais croyait plutôt à un concept englobant des stratégies de combat. Après avoir étudié de nombreux arts martiaux et des sports de combat principalement occidentaux (escrime, boxe anglaise, savate boxe française et grappling entre autres), il en a absorbé ce qui fonctionnait selon lui. Bruce Lee ne voulait pas uniquement faire évoluer sa propre pratique martiale issue du wing chun du sud de la Chine pour sa remarquable efficacité, mais compenser les limitations de ce style qu’il trouvait trop défensif et qui ne s’appliquait pas en longue distance.
Le jeet kune do, littéralement « la voie du poing qui intercepte », que l’on abrège JKD est « simple, direct et non classique », selon son fondateur. Le principe est d’intercepter les mouvements de l’adversaire avant qu’il ne touche, d’arriver premier en partant second ; il n’y a pas de blocage ou de réponses en deux ou trois temps (le blocage et la frappe sont toujours simultanés) mais bien un seul mouvement/réponse exécuté dans le même temps, soit la réponse la plus directe atteignant le ou les adversaire(s) grâce à un minimum de mouvements. L’adage du JKD est: « Absorbe ce qui est utile, rejette ce qui ne l’est pas et ajoute ce qui t’est propre. »
Bruce Lee voulait qu’on s’inspire de ces principes sans créer un enseignement de masse. Il a par ailleurs demandé à ses élèves instructeurs de fermer ses écoles afin de ne conserver que des groupes d’élèves fermés pour travailler en petit nombre afin de garder la qualité et l’esprit de ce qu’il considérait comme sa voie martiale. Ces groupes étaient répartis sur la côte ouest des États-Unis et se sont développés sous forme de différentes lignées dont trois majeures.
On retrouve les éléments du wing chun avec le travail sur la « ligne centrale », un art martial chinois que pratiquait Bruce Lee auprès de son maître Yip Man, mais aussi ses « séniors » tels que Wong Shun Leung, avant de partir vers les États-Unis en 1959. Le jeet kune do naît sous une première forme à la suite de sa recherche constante d’évolution et d’efficacité. Le sigle « JKD » apparaît aux alentours de 1967 et contient des coups de pieds propres aux arts martiaux chinois du Nord, ainsi que des coups de poings issus de la boxe chinoise et de la boxe anglaise, des déplacements provenant de l’escrime occidentale, des projections de l’art martial coréen hapkido, des éléments en provenance du Kali Arnis Eskrima et de jiujitsu, entre autres (on a répertorié 127 techniques de coups de pieds, de coups de poings ainsi que de projections et de clefs propres au JKD). Bruce Lee a même intégré des éléments de déplacements inspirés par le boxeur Mohamed Ali, mais il s’est énormément inspiré de l’escrime occidentale (discipline qu’il avait pratiquée avec son frère) concernant les interceptions de la jambe et du poing ainsi que les déplacements.
Bien qu’issu des arts martiaux « traditionnels » chinois, il rompt avec l’éthique habituelle et la tradition : on a parfaitement le droit de mordre (même s’il ne faut pas planifier l’action de mordre2), de crever ou de piquer les yeux avec des frappes des doigts, de frapper dans les parties génitales… Mais au-delà de ceci, le JKD doit être l’expression martiale la plus pragmatique et honnête possible de soi en situation de combat et d’agression ; c’est un ensemble de méthodes de combat et de stratégies en situation réelle, une « libération » du pratiquant.
Bruce Lee recherchait à « libérer » le pratiquant d’art martial de la tradition (exécution des formes, etc.) qui l’enfermait depuis des siècles dans des croyances souvent galvaudées et dont Bruce Lee s’amusait souvent en démontrant les défauts de ces pratiques devenues rigides en combat réel ; le pratiquant ne doit pas s’en tenir à son art, il doit chercher pourquoi il le pratique et sentir ce qui est bon pour lui et ce qui ne l’est pas : « Il ne suffit pas de savoir, il faut aussi appliquer ; il ne suffit pas de vouloir, il faut agir. »
Chaque élève de Bruce Lee a reçu une partie de l’enseignement du jeet kune do à une époque déterminée. Bruce Lee était en constante évolution jusqu’à ce que sa mort n’arrête son processus en 1973. Le jeet kune do n’a même probablement jamais été conçu pour être enseigné sous une forme définie. Il se peut même que les dernières évolutions du JKD de Bruce Lee en 1972-1973 n’aient forcément pas été conçues pour l’enseignement, car Bruce Lee développait son art en se basant sur lui-même et il n’avait certainement plus l’intention de le diffuser à travers le monde.
Du jun fan gung-fu au jeet kune do
Le jeet kune do actuel est très axé sur le développement physique (les paramètres d’explosivité, de rapidité et de puissance de frappe doivent être maîtrisés), l’autodéfense et le combat. Il insiste surtout sur la notion de combat réel et total. Un autre des points essentiels du JKD est l’absence de formes martiales, jugées comme une perte de temps par l’auteur à cette époque, bien que lui-même était arrivé à ce degré d’excellence martiale grâce à leurs exécutions, notamment dans le wing chun dans lequel il avait pu pratiquer les exercices de « chi sao » (mains collantes). Il savait tout de même apprécier les taolus puisqu’il avait étudié toutes les formes du wing chun entre autres et d’autres formes de kung fu telles que la mante religieuse ou le hung-gar. Bruce Lee avait assemblé énormément d’arts martiaux ensemble pour former son propre art martial (karaté, ju-jitsu…). C’est ainsi que son tout premier art, le jun fan gung-fu, fut créé en estampillant les arts qu’on lui a enseignés.
C’est en 1964, à la suite de son combat contre Wong Jack Man, que le jeune maître créera le jeet kune do; le combat ayant duré trop longtemps, Bruce Lee remit en cause son wing chun qu’il qualifie de classical mess (« bazar classique »). Bien que victorieux, il reste déçu par sa prestation. Il changea radicalement sa pratique ; il passa du kung fu à la boxe et à la musculation. Il créa une forme de combat basée sur le wing chun, à laquelle il n’ajouta cette fois que la boxe occidentale et le combat à mains nues ; toutefois, les principes de l’escrime prennent plus d’ampleur. Cette simplification donne naissance au jeet kune do et aux théories de Bruce Lee sur le combat. Par la suite, Bruce Lee manifeste de l’intérêt pour toute forme martiale, peu importe sa provenance ; il emprunte et combine de nombreux mouvements pour développer les siens.
Le jeet kune do est ainsi une synthèse cohérente et intègre des connaissances de l’ensemble des arts martiaux connus à cette époque par Bruce Lee.
Lignées
Depuis la mort de Bruce Lee, le jeet kune do est enseigné sous forme de concepts par Dan Inosanto notamment. Les autres personnes certifiées par Bruce Lee sont Taky Kimura à Seattle (période jun fan gung-fu ; ce dernier recevra son rang 5 en 1973 juste avant le décès de Bruce Lee), James Yimm Lee à Oakland (période jun fan gung-fu ; mort en 1972, soit six mois avant Bruce Lee et la même année que Yip Man) et Daniel Arca Inosanto à Los Angeles (seul diplômé en Jeet kune do par Bruce Lee).
Seattle
La branche Seattle se sépare en deux groupes:
Ceux qui poursuivent leur formation de manière officielle au Jun Fan Gung-Fu Institute [archive] (Taky Kimura, Joseph Cowles, Doug Palmer, Patrick Strong principalement) d’une part, et ceux qui déclinent l’offre de recommencer une nouvelle formation d’autre part, à savoir Jesse Glover, Edward Hart et James De Mile ; ceux-ci ouvrent un club d’arts martiaux dans lequel ils enseignent le concept appris en cours privé.
James De mile se séparera d’eux et développera sa propre méthode basée sur ses connaissances de la méthode de Bruce Lee. Il lui donnera le nom de Wing chun en référence au premier art martial de leur maître. Demile pratique une méthode marquée par le jun fan gung-fu, mais lui a attribué un nom pour se démarquer de Bruce Lee et du jeet kune do.
Jesse Glover (1935-2012) et Ed Hart (1924-1999) nommeront leur méthode Non Classical Gung-Fu et offriront une méthode de self-défense pragmatique, toujours basée sur les mouvements et les techniques de Bruce Lee. Au contraire des autres, elle cherche la simplicité et l’efficacité en explosivité et puissance.
Le Jun Fan Gung-Fu Institute a été reformé et les principaux instructeurs sont Taky Kimura, son fils Andy et Abe Santos, dernier senior instructor en date qui donne le cours du mercredi soir.
Joseph Cowles continue de développer un Jun Fan Gung-Fu authentique en y ajoutant du Ju-jitsu et du silat et en poursuivant la pratique du wing chun. Il baptise son enseignement Wu Wei Gung-Fu, dont le nom s’inspire de la philosophie taoïste Wuwei chère à Bruce Lee sur le principe de non-intention.
Patrick Strong reprendra le principe de non-intention également et baptisera sa méthode core jeet kune do, qui s’apparente au cœur du jeet kune do, puis sera renommé Deep Level Training Systems. Strong a poursuivi sa formation dans les années 1970 auprès de Hawkins Cheung, qui lui aurait été recommandé par Bruce Lee lui-même ainsi qu’aux autres élèves pour compléter leurs compétences en wing chun. Hawing Cheung était un ami d’enfance de Bruce Lee et l’un de ses partenaires d’entrainement à Hong Kong.