Le Wing Chun
Roberto LOUISET
perpétue la tradition du Wing Chun dans son école située en Corrèze
Historique
Au XVIIe siècle, Ng Mui (五梅, wǔ méi, Ng Mui en Cantonais), la seule femme dans la légende des «Cinq maîtres du Shaolin du Fujian» (monastère dont la réelle existence est encore aujourd’hui débattue), ayant survécu à la destruction de ce temple par le gouvernement Mandchou de la dynastie des Qing 1644 – 1912. Après s’être battue farouchement, puis avoir fui pour échapper aux persécutions des Mandchous, elle serait allée se réfugier dans le temple de la Grue blanche, sur le mont Tai Leung. Là elle put de nouveau se consacrer à la pratique du Bouddhisme Chan (ou Zen) et au développement de son nouvel art, le wing chun. Elle réfléchit longuement sur une forme d’art martial accessible aux plus faibles physiquement et qui leur permettrait de battre des experts d’arts martiaux externes, mais surtout elle voulait construire un art accessible et rapide dans l’apprentissage pour combattre l’envahisseur Mandchous. Elle fut finalement inspirée par le combat entre une grue et un serpent. Par ses observations, elle créa un nouveau système de combat : l’objectif de Ng Mui était de vaincre l’ennemi non par la force mais par la méthode. Dans cette optique, elle retira du style les mouvements de grande amplitude et les mouvements artistiques (cette légende existe aussi pour la création Taiji Quan dans lequel une autre légende d’un moine taoïste, ayant observé le combat entre une grue blanche et un serpent, remarqua que les mouvements circulaires et ininterrompus du serpent étaient plus efficaces que des mouvements secs et droits de la grue).
Yim Wing Chun, l’héritière de la nonne Ng Mui :
Poursuivie par les Mandchous car son père avait été accusé de crime dans un autre canton, Yim Wing Chun, 严咏春, accompagnée de son père se réfugia sur le mont Tai Leung où elle fit la connaissance de Ng mui. Ng mui prise de sympathie pour le père et sa fille enseigna les concepts de son nouveau style à Yim Wing Chun, qui depuis porte le nom de la jeune fille. On ne sait pas combien de temps les deux jeunes femmes passèrent à parfaire leur art mais Yim Wing Chun quitta le temple à la mort de son maître.
Leung Bok Chau, mari et disciple
Yim Wing Chun épousa Leung Bok Chau, un marchand de sel. Elle lui transmit le système de combat que lui avait transmis Ng Mui. Leung Bok Chau pratiquait déjà ce 武術Wushu avant son mariage. Il n’avait jamais prêté attention aux théories sur l’art martial. Après son mariage, elle lui montra de quoi elle était capable et le battit à plate couture. Elle lui enseigna ensuite l’art du combat. En hommage pour sa femme, il transmit le système sous le nom de wing chun kuen. Le sens historique de 詠春 est « Promesse d’avenir », un renouveau sectaire de la forte puissance du Lotus Blanc qui avait déjà permis de chasser quelques siècles auparavant l’envahisseur mongol. Leung Bok Chau continua à s’entraîner avec sa femme jusqu’à maîtriser lui-même parfaitement le wing chun. Par la suite, il enseigna le style à un herboriste nommé Leung Lan Kwai…
Histoire d'après les branches Yip Man et Pan Nam :
L’histoire de ce style est chinoise. Elle a été étudiée et développée par la branche filiale du maître Pan Nam, d’une part, et par l’enseignement de Liang Bi (梁璧) à Yip Man d’autre part. Elle est à ce jour reconnue officiellement. Un moine du monastère de Shaolin dans la province du Henan, dans la montagne Songsan, 河南嵩山少林寺, a transmis à son élève Zhang Wu (張五), qui avait cinq disciples. Ici, aucune destruction réelle du temple du Shaolin par les Mandchous. Il ne fut, du reste jamais détruit historiquement mais incendié en partie au début du XXe Siècle. Le temple du Shaolin
du Fujian ou Fukien selon les orthographes, n’ayant jamais existé, il s’agissait en réalité durant la résistance à l’envahisseur mandchou, de s’identifier en résistance par des présentations codées du style : « Je viens du Shaolin du Fujian ».
Le principal de la transmission fut donné à deux disciples, Huang Bao Hwa (黃華寶) et Liang Er Di (梁二娣). Et de là, les deux, ensemble, (et non pas un seul…) transmirent au bon médecin Liang Zhan (梁贊), qui existe également dans la version « Légende » ci-dessus. Le médecin a transmis à quatre disciples, dont imparfaitement à Chen Hwa Shun (陳華順), qui sera le premier maître de 葉問 Ye Wen, Yip Man en cantonais. Ce maître est mort de vieillesse avant d’avoir achevé sa transmission à Ye Wen. Or Chen Hwa Shun (陳華順) est la succession principale parce qu’il a eu seize disciples dans sa vie, mais treize furent ses disciples principaux. Et Chen Hwa Shun (陳華順) n’a jamais reçu qu’une transmission imparfaite, voulue par le médecin Liang Zhan (梁贊), qui transmit tout l’art seulement à son fils Liang Bi (梁璧).
De ces treize principaux, 葉問 en chinois traditionnel, ( 叶问 en chinois simplifie, Ye Wen en pinyin mandarin, Yip Man en cantonais) saute une génération de transmission, car il ne désigne aucun successeur. 葉問, Ye Wen, n’est pas principal de la transmission, il a eu beaucoup de chance de rencontrer par hasard le fils Liang Bi (梁璧) du médecin Liang Zhan (梁贊), qui va lui compléter sa formation, mais cela ne fait pas de Ye Wen un membre de la filiation. Ye Wen l’écrivit en chinois traditionnel dans un manuscrit de sa main toujours consultable.
Voici la raison pour laquelle à sa mort Ye Wen (Yip Man) n’avait signalé le moindre successeur et ne transmit pas. Il enseigna à beaucoup d’élèves durant deux périodes de sa vie, mais n’eut jamais l’autorisation de transmission filiale, n’appartenant pas directement à la branche historique d’origine de Zhang Wu à Liang Zhan.
Sa retranscription
En Chine, cet art martial est généralement désigné par 咏春拳 ou 詠春拳 S’il s’écrit de manière quasiment identique en traditionnel et simplifié, il n’est pas prononcé et transcrit de la même manière selon les régions et leurs dialectes:
Yǒngchūn quán en Pinyin mandarin, wing-chun kuen en Wade-Giles cantonais. Il est formé de 2
termes: 拳 (quan/kuen) qui signifie «poing, boxe» et du terme 詠春 (wing-chun en cantonais); le nom complet est ainsi traduit par «boxe du wing-Chun».
Dans sa désignation courte, l’art martial est désigné simplement par ces deux sinogrammes:
· le sinogramme 詠 yǒng/wing: «chanter, entonner…»
· le sinogramme 春 chūn/chun: «printemps, vitalité…»
Cet art martial est parfois désigné par 永春, caractères différents de 詠春, mais prononcés et transcrits de manière identique: Ils sont traduits littéralement par «printemps éternel», le caractère 永 signifiant «éternel, sans fin». Ces caractères désignent aussi la région du Yongchun à côté de la ville de Quanzhou (Fujian). Si l’usage de 詠春 semble aujourd’hui privilégié pour les styles wing chun, 永春 apparaît toujours dans le nom d’autres arts martiaux du Sud de la Chine (avec 永春 souvent transcrits Weng Chun) ; par exemple le jee shim weng chun et le wing chun bak hok kuen (永春白鶴拳).
En Occident, le nom de cet art martial a été transcrit de manière variable en raison de l’utilisation de méthodes de romanisation des langues chinoises différentes ou personnelles, et des différences de prononciation selon les langues chinoises (mais le cantonais a été souvent privilégié) ou selon les langues occidentales. De plus, certains maîtres de wing chun créèrent volontairement leur propre terme, afin de dissocier leur enseignement personnel des enseignements traditionnels. Par exemple, le terme ving tsun de Yip Man ou la marque commerciale WingTsun de Leung Ting.
«La conséquence est la possibilité de déterminer un lignage, un arbre généalogique élève-enseignant, seulement par l’orthographe.»
Finalement, cet art martial est prononcé de manière assez identique en Occident, mais s’écrit avec de nombreuses orthographes:
ving tsun, wing tsun, wing tsung, yongchun, weng chun, wyng tjun, ving tjun, wing tzun, wing tschun… bien que l’écriture wing chun soit la plus courante pour s’appliquer à toutes les familles de cet art martial.
Lignée martiale
Voici la lignée martiale de Yip Man, selon l’un de ses propres manuscrits:
· Ng Mui, nonne Shaolin
· Yim Wing Chun
· Leung Bok Chau, mari de Yim Wing Chun*
· Leung Lan Kwai
· Wong Wah Bo, qui apprit le bâton de Leung Yee Tei
· Leung Yee Tei, qui ajouta la forme du bâton apprise de Wah Bo
· Leung Jan
· Chan Wah-shun
· Ip Man, qui appris aussi de Sihing Ng Chung-sok et Sibak Leung Bik
Yip Man eut pour disciples notables :
Lun Gai, Gwok Fu, Leung Sheung, Lok Yiu, Chu Shong-tin, Wong Shun-leung, Wang Kiu, Yip Bo Ching,William Cheung, Hawkins, Bruce Lee, Lo Man Kam, Wong Long, Wong Chok, Law Bing, Lee Shing, Ho Kam-Ming, Moy Yat, Duncan Leung, Derek Fung (Fung Ping Bor), Chris Chan (?? Chan Shing), Victor Kan, Stanley Chan, Chow Sze Chuen, Tam Lai, Ip Ching, Ip Chun, Lee Che Kong, Leung Ting.
Lignée martiale
Protège toujours ton centre, que ce soit dans l’attaque ou la défense.
· Utilise la force de l’adversaire pour la retourner contre lui.
· Utilise les principes de déviation de force pour la défense et la ligne droite pour l’attaque.
o Lorsque le pont a été établi, reste collé aux avant-bras de l’adversaire (principe des « mains collantes » , CHI-SAO) car l’information transite plus rapidement par le contact que par l’oeil.
· Si la force adverse est trop grande, cède et utilise ton système de déplacement pour te restructurer.
· Si l’adversaire recule, suis-le et maintiens la pression ; ne le laisse pas reconstruire de nouveaux plans.
· N’utilise pas ta force de frappe mais la vitesse et la masse de ton corps.
Ses techniques de Mains sont particulièrement efficaces pour le combat rapproché jusqu’au corps à corps sans aller au sol. Il s’agit du 黐手 Chī shǒu, les mains collantes. Les bras restent souples au possible en liaison avec une pression constante vers l’adversaire, quoi qu’il tente, ce qui permet de dévier et contrôler facilement les coups afin de protéger son centre (le méridien 陰, renmai précisément), et de placer ses propres frappes à la moindre ouverture de garde de l’adversaire.
· Les réactions de base des mains sont :
o Tan sao : réaction sur le bras à une impulsion ne croisant pas le méridien renmai
o Bong sao : réaction sur le bras à une impulsion croisant le méridien renmai
o Kao sao : réaction sous le bras à une impulsion ne croisant pas renmai
o Jam sao : réaction sous le bras à une impulsion croisant renmai
Les coups, donnés à faible distance, n’ont pas besoin d’être accélérés par la pratique interne du Qi Gong. Cette pratique interne consiste à donner une explosion de force interne (發勁, fājìn) d’une amplitude réduite après avoir touché la cible à faible vitesse. C’est tout le corps qui produit cette onde de choc, utilisant à la fois le poids du corps, la détente globale du corps utilisé comme un fouet et l’addition des forces de toutes les articulations. Ces qualités sont travaillées dans toutes les formes, progressivement, jusqu’à en venir à réaliser le
fondement du Qi Gong et de sa circulation dans les méridiens. Interne veut dire se maîtriser soi-même et non pas maîtriser son adversaire en premier.
Ce wushu comporte peu de techniques de jambes. Toutes les parties du corps sont à percuter en double frappe, à commencer vers « les deux têtes », c’est-à-dire les yeux et les parties génitales.
Des techniques similaires existent pour les jambes que l’on désigne par les « jambes collantes », qui permettent d’éviter les tentatives de balayages et de projections adverses, elles permettent également de contrôler l’adversaire par une pression sur ses pieds et genoux. Remarquons la garde de face, jambes fléchies vers l’intérieur : c’était la tenue d’une brebis entre ses jambes pour la tondre sans qu’elle puisse s’échapper. La garde moderne occidentale en fente avant est par exemple une erreur qui dénature la tradition et la transmission. Au passage sur les jonques fleuries des canaux, le combat dans une barque oblige à un équilibre plus fort et des frappes uniquement de corps à corps, ce que le wing chun n’était pas et ne reste pas dans la tradition chinoise, plus interne dans l’enracinement de la garde, plus souple, plus liant. Le qi gong 氣功 du Shaolin traditionnel est perdu dans les écoles modernes occidentales.
Les armes et équipements
Cet art martial proviendrait des Hakkas, peuple vivant au bord des lacs et mers au sud de la Chine, réputé pour ses Jonques fluviales et maritimes. En plus du commerce, des « bateaux fleuris » ou « bateaux à lanternes rouges » permettaient aux clients de satisfaire leurs plaisirs à l’abri des regards. Suivant une théorie reposant sur cette légende, le wing chun utiliserait les armes qu’on peut trouver sur ces bateaux : la « perche à la fleur de prunier », longue perche (plus de quatre mètres) pour faire avancer ces jonques et la paire de Couteaux papillons. Il s’agit une paire de sabres d’appontage servant à trancher une corde d’appontage en cas d’urgence, ou à ouvrir des sacs de marchandise.
Les pratiquants s’entraînent aussi sur un Mannequine de Bois. Cet « homme de bois » a la hauteur d’une personne ; il est constitué d’un poteau de section et de dimension variable suivant les lignées, sur lequel on a ajouté trois bras et généralement une jambe en fente avant fixe. Il existe plusieurs manières de maintenir le mannequin en place, soit en le fixant à des tasseaux coulissants fixés au mur, en le montant sur un pivot, sur trépieds, en le scellant au sol ou en noyant son pieds dans un contre-poids. Certains shīfù 師父 vont même jusqu’à ne pas fixer le mannequin, afin d’obliger leur élève à mieux contrôler leurs mouvements. Le mannequin de bois est un matériel encombrant et coûteux, qu’on remplace parfois par des morceaux de bois fixés au mur.
Les formes
Siu lim tao (小練頭, xiǎoliàntóu, « petite pratique ») en traduction littérale : c’est la première
forme, taolu, pratique élémentaire des mouvements de base et d’enracinement.
Pour certaines branches Yip Man, cette forme est faussement appelée xiǎoniàntóu (小念頭), « petite idée » car elle est confondue avec la petite pratique. La xiǎoliàntóu est un travail de géométrie corporelle et d’alignement, qu’il faudra conserver le mieux possible lors de l’apprentissage des deux autres formes à mains nues. Dans des lignées qui mettent l’accent sur le 氣功 Qi gong, la Xiao Liantou a beaucoup d’utilisation pratique.
· Chum kiu, xún qiáo en mandarin pinyin, chum kiu en cantonais Yale, 尋橋 en chinois traditionnel: « chercher le pont », traduction littérale.
Cette seconde forme se concentre sur les techniques de déplacements du corps total, la synchronisation des déplacements et des frappes, et les techniques d’entrée pour « combler le fossé » entre le pratiquant et son adversaire, ainsi que perturber sa structure et son équilibre. Cette forme permet d’apprendre les techniques fondamentales de contre-attaque immédiate par deux frappes en même temps.
Les attaques de courte distance avec les coudes et les genoux sont aussi travaillées à ce stade, au quels s’ajoutent l’apprentissage du coup de pied latéral et droit.
· Biu gee, biāo zhǐ en mandarin pinyin, biu gee en cantonais Yale, 鏢指 en chinois traditionnel : « les doigts jaillissent ». La traduction littérale par des traducteurs automatiques perdent le sens du contexte.
La troisième forme biāo zhǐ est faite de techniques ultra courtes et ultra longues, coups de pieds bas pour contre-attaquer efficacement dans le but de ce wushu. Comment renverser le combat contre son adversaire avec la plus grande vitesse et directement, en restant hors de danger, donc la marque sur un point précis du corps de son adversaire, 點穴法, diǎn xué fǎ, pour l’éliminer. En effet, au sein de cette forme le pratiquant va apprendre des techniques d’attaques agressives, comme les coups de coudes mais aussi coups avec le tranchant de la main ainsi que les doigts. Ces attaques visent principalement des points sensibles du corps tel que les yeux, le foie etc. Le combattant doit donc être rapide et puissant pour causer un effet de « coup de fouet » sur l’adversaire.
Du aux grandes responsabilités qu’engendrais le savoir de cette forme, un proverbe dit: » La Piu Zhi ne quitte jamais la maison ». Autrement dit, on n’enseignait pas cette forme autre qu’à quelqu’un de la famille, autre qu’à quelqu’un digne de confiance et qui a le mérite de la connaître. Cette valeur est encore respectée au sein de certaine écoles.
Siu nim tao (小念頭, xiǎoniàntóu, « petite idée »), en traduction littérale. C’est la dernière forme, semblable en apparence à la première et que nombre de fausses filiations confondent. Elle est la forme, 套路 Tàolù, la plus importante en wing chun. C’est le 氣功 Qi Gong qi gong de la Petite Circulation Céleste, ㄝ小週天循環, xiǎo zhōu tiān xúnhuán. C’est essentiellement un travail de circulation du Qì dans les deux méridiens 督脈 dū mài et 任脈 rèn mài (méridien du Gouverneur et méridien de Conception en 針灸, zhēnjiǔ, acupuncture). Pour les branches chinoises de la tradition, les deux disciples fondateur de ce style, Huang Bao Hwa (黃華寶) et Liang Er Di (梁二娣) transmirent au médecin Liang Zhan (梁贊), qui réunit toutes ces formes dans leur état complet actuel. Il est ainsi resté le plus grand maître de ce wushu chinois. L’étude de la Médecine Traditionnelle Chinoise, 中國傳統醫學 Zhōngguó chuántǒng yīxué, est donc depuis toujours associée à la pratique du 詠春拳, Yǒngchūn Quán, appelé vulgairement Wing Chun en Occident. L’historien et grand maître 彭南, Péng Nán en fit l’étude complète, la forme est xiǎoniàntóu, basée sur les trois petites pratiques (Petite Idée 小念頭, Petite Circulation 小週天 et Petite Pratique 小練頭),
axée sur trois points d’acupuncture qui portent ces noms parallèles.